1er- 14 AOÛT 1955 : LE LÉGENDAIRE MESSAGER CONQUIERT LA SUISSE
«La Fête des Vignerons doit garder son double caractère de fête du travail et de spectacle de haute valeur artistique […], comme ses devancières elle doit laisser, aux spectateurs comme aux figurants, un souvenir de lumineuse beauté et de communion de tout le peuple.» Manual 9, 31.7.1952
La Fête que l’Abbé Gétaz avait rêvée dès 1944 et qu’il voyait comme l’émanation même de l’art populaire vaudois, se révélera être la Fête la plus cosmopolite jamais organisée à Vevey.
UNE FÊTE DES VIGNERONS SE JUSTIFIE-T-ELLE ENCORE?
La Deuxième Guerre mondiale avait-elle réussi à faire oublier aux Suisses, et aux Veveysans surtout, ce qu’était la Fête des Vignerons ? Le danger était réel. En deux décennies, marquées par une profonde crise économique et une guerre, le monde avait changé. Au milieu des années cinquante, les gens s’étaient accoutumés à avoir des loisirs et à pouvoir choisir parmi de nombreux spectacles. Radio, cinéma et même télévision faisaient dorénavant partie du quotidien. Dans ce nouveau contexte, la Fête des Vignerons trouverait-elle encore sa place ? Les Conseillers hésitaient, mais tentaient de se persuader que le gigantesque effort financier demandé par l’organisation d’une nouvelle Fête en vaudrait la peine.
OUVERTURE SUR LE MONDE
Il était cependant impossible de n’y intéresser que la Suisse romande. Il fallait attirer les Alémaniques et les étrangers à Vevey. La stratégie fut double : une propagande extérieure importante d’une part et le choix d’artistes internationaux d’autre part. Aux deux Vaudois Carlo Hemmerling et Géo-H. Blanc, garants de l’authenticité romande de la manifestation, l’on adjoint le Français Maurice Lehmann, administrateur de la Réunion des Théâtres lyriques nationaux de Paris, pour la direction artistique, et le Zurichois Oscar Eberlé pour la mise en scène. On fait appel à la Garde Républicaine de Paris, à trois danseurs étoiles de l’Opéra de Paris, à des chanteurs professionnels… Jamais la Fête des Vignerons n’avait été aussi ouvertement tournée vers l’extérieur : on tente «… de faire de la fête vaudoise un spectacle de portée internationale » (Oscar Eberlé). Elle fut éblouissante, «professionnelle», d’une haute tenue artistique, mais d’aucuns regrettèrent la perte d’une certaine authenticité vaudoise face à cette présence massive d’aides étrangères.
LE MESSAGER BOITEUX
Dans ce contexte, l’apport du Messager boiteux est des plus significatifs. Dans un monde où les valeurs traditionnelles se voient bouleversées, Samuel Burnand, qui redonna véritablement corps au légendaire messager veveysan en troquant sa prothèse contre un pilon en bois, symbolise à lui seul l’attachement de la cité à sa tradition festive. Héraut de la Fête, il porta la bonne nouvelle de la proclamation jusqu’à Berne où il était chargé d’inviter les autorités fédérales. Il revint de Berne à Vevey à pied dans un parcours triomphal.
LA FÊTE DES VIGNERONS EST UN SUCCÈS
Après des débuts hésitants, les arènes n’étant pas entièrement pleines, la Fête des Vignerons connut un succès spectaculaire. L’on se pressa à Vevey des quatre coins de la Suisse… et du monde. Des représentations supplémentaires durent être organisées afin de répondre à l’enthousiasme des spectateurs. En 1955, les nouvelles techniques d’éclairage permirent d’organiser pour la première fois des représentations nocturnes
SPECTACLE
Abbé-Président: David Dénéréaz
Mise en scène: Oscar Eberlé
Musique: Carlo Hemmerling
Livret: Géo H. Blanc
Costumes: Henri-Raymond Fost
Chorégraphie: Nicolas Zwereff
Directeur artistique: Maurice Lehmann, administrateur de la Réunion des Théâtres lyriques nationaux, Paris
VIGNERONS COURONNÉS
Alfred Isoz
Louis Chassot
Charles Perrottet et fils
Adrien Genet-Porchet (décédé, ce fut sa veuve qui fut couronnée en sa mémoire), ainsi que 44 vignerons primés et distingués
ARÈNES ET DÉCORS
Amphithéâtre ovale (cycle fermé sur lui-même des quatre saisons toujours recommencées), escalier scénique côté lac qui conduit à un portique à 3 espaces, réservé aux divinités (Olympe), au-dessus duquel luisaient les emblèmes des dieux
Arènes: champ d’action des humains sur terre; il y a donc deux lieux pour dissocier le céleste et le terrestre
16 000 places
Costumes inspirés de la Fête de 1833, époque romantique
SPÉCIFICITÉS ET NOUVEAUTÉS
Vigne vivante dans l’arène: enfants portant des ceps Tableau du gel: lutte du vigneron contre le gel (Printemps)
Tableau des maladies: lutte contre les parasites (Eté), exécuté par un ballet professionnel
Les champs prennent vie: 150 enfants-sillons
Dionysos d’Hiver
Cérès est avec Phoebus et ses rayons, les «archers du soleil»
3 danseurs étoiles de l’Opéra de Paris: Michel Renault, Nina Wyroubova, Max Bozzoni et un ballet professionnel suisse
Des chanteurs professionnels (Grands Prêtres, Grande Prêtresse, semeur)
Harmonie de la Garde Républicaine, Paris
Représentations nocturnes sous le feu des projecteurs
Les figurants n’affluent plus dans l’arène dès le prologue comme ce fut le cas de 1797 à 1927
LA FÊTE EN CHIFFRES
3857 figurants
11 représentations
2 cortèges de 5,2 km, 1 cortège de 3,2 km
Les places coûtent entre 10 et 70 francs
La Fête coûta 4 695 229 francs
Bénéfice: 1 204 927 francs
Capital de garantie: 1 271 500 francs